Depuis la fenêtre grillagée, ma mère, tout en accomplissant la tâche odieuse confiée par ma grand-mère : raccommoder des chaussettes pour mon oncle et mon grand-père, observait avec curiosité les événements du quartier. Il y en avait un en particulier qui attirait son attention : vers 16 heures, un événement singulier se produisait : voir "le Dr Funes" prendre son bain français dans la piscine publique. Il apparaissait discrètement, s'assurant qu'il n'y avait pas de "mauvais garçons" dans les parages, car le passage des enfants ou des gens du village ne l'importait guère. Le soleil couchant illuminait et réchauffait l'endroit choisi par le protagoniste : mince, à la peau plus foncée, aux traits aigus, il marchait, selon lui, vêtu d'un costume de magistrat qui avait un jour été noir et qui, par la suite, avait perdu sa couleur d'origine pour devenir un vert graduel qui, selon l'angle de la lumière auquel il était exposé, était plus clair de certains côtés que dans les recoins. Le chapeau melon, également noir autrefois, complétait le reste de sa tenue. Et l'action commençait... il posait son journal inséparable et son chapeau sur le rebord supérieur qui soutenait le robinet ; il sortait son mouchoir, le mouillait peut-être avec un peu de savon... et commençait son parcours par le cou, les aisselles et les endroits proches, un passage et un autre par l'abdomen, s'aventurant ensuite dans les recoins pelviens. Le va-et-vient du mouchoir le fatiguait car il ne retirait pas sa veste ?? et encore moins son pantalon. Ainsi, cette peau centimètre par centimètre était soignée. Il enlevait ses chaussures, lavait les chaussettes et terminait en essorant les chaussettes et le laborieux mouchoir ; l'oreille et le nez recevaient également leur part... Ma mère disait : "nous veillons toujours à ce qu'il ne se rende pas compte de nos observations". Elle disait que "mon père commentait que souvent on lui avait proposé du travail ; il avait un diplôme d'avocat, n'a jamais voulu travailler ; il demandait de l'argent "emprunté" à ses amis. Plusieurs années plus tard, mon beau-père commentait qu'il lui avait mis une pièce dans la main et très offensé, il la lui avait rendue en lui disant : "Cherchez-vous un pauvre à moitié"... À cette époque, selon le réel et le demi, ils avaient de la valeur...